L'effet Dieudonné

La litanie des généralités censées être évidentes a de quoi inquiéter : « aucune liberté n'est absolue », évident ? « il faut arrêter de se cacher derrière la liberté d'expression », évident ? « la liberté d'expression ne donne pas tous les droits », évident ?
Si cela commence à nous paraître évident, alors c'est que notre sens de la liberté s'émousse et que nous commençons à préférer l'ordre à la liberté. Nous savons depuis Tocqueville, que la France, contrairement aux États-Unis d'Amérique, préfère l'égalité à la liberté et sacrifierait volontiers celle-ci au profit de celle-là. Depuis nous avons continué de glisser sur la pente et nous sommes en voie de préférer l'ordre, surtout moral, à la liberté et pour parler comme un célèbre Britannique, nous n'aurons, de cette manière, ni l'égalité ni la liberté.

La liberté d'expression a certes un coût, puisqu'il va nous falloir entendre ce que nous souhaiterions ne jamais entendre. Mais éteindre une voix, c'est se préparer à éteindre toutes les voix et à ne plus entendre que celle des censeurs. J'ai déjà relevé (ici) le goût d'une Académicienne pour « la censure des idées ». Mais il y a bien d'autres signes...

Il faut bien se rendre compte que censurer l'expression, c'est censurer la liberté de penser. C'est grave et c'est inefficace. Ce qui est censuré cherchera toujours à contourner le dispositif de censure. En revanche, les dégâts causés à la liberté de penser sont considérables. Fallait-il pour faire taire un clown malfaisant tuer la république ? Le clown ne se taira pas, mais la république aura du mal à s'en remettre.

Message pour les élèves de lycée qui me suivent : on ne combat les idées que par d'autres idées mieux fondées. Il faut faire confiance à la vérité, elle finit toujours par détruire le faux, l'erreur, l'illusion, la mauvaise foi et le temps qu'elle met à les détruire ne dépend que de la liberté d'expression. Censurer une idée, c'est censurer toutes les idées.

Encore ceci, les idées ne sont malfaisantes que dans des têtes mal faites. Rétablissons une école qui enseigne et nous n'aurons plus à craindre les idées fausses. Laissons nos écoles se transformer en centres de gestion de l'enfance et de la jeunesse, comme je dis dans mon livre et nous avons tout à craindre.