Mohamed Charfi

L'Islam est-elle une religion comme les autres, on veut dire comme je judaïsme ou le christianisme (catholique) ? Une religion de paix, d'ouverture aux autres, de tolérance ? Une religion non-violente ? La réponse, selon l'auteur, est positive.

L'auteur, qui est un véritable érudit en cette matière - ­ on a donc tout intérêt à le consulter ­- est un universitaire tunisien. Il est président de la Ligue des Droits de l'homme et a été, un temps (de 1989 à 1994), ministre de l'Éducation et des Sciences. Son argument n'est pas nouveau, mais il est renforcé par l'expérience de la modernité : il faut réinterpréter les textes fondateurs de l'Islam et la charia texte conjoncturel aujourd'hui dépassé peut être écarté. Et même le Coran doit être, non pas corrigé, mais restructuré, en distinguant les sourates de La Mecque et ceux de Médine.

L'islam de la charia n'est pas l'islam. Et puisque n'est obligatoire que ce que Dieu veut, il faut être sûr que telle loi, tel usage, telle tradition sont bien Sa volonté.

L'Islam repose sur un texte qui est la parole même de Dieu fidèlement rapportée par le Prophète : le Coran. On n'est pas musulman si on renonce à ce texte. On n'y renonce donc pas. Mais au lieu d'en présenter les sourates dans l'ordre absurde où elles se trouvent actuellement, c'est-à-dire rangées par longueur, il faut les considérer dans l'ordre de leur révélation. C'est ainsi qu'on peut distinguer l'époque la plus ancienne (mecquoise) de l'époque plus tardive (médinoise), c'est-à-dire avant ou après l'Hégire. Cette structuration permet de hiérarchiser les sourates et ainsi de régler leurs éventuelles contradictions.

La charia n'est que construction humaine, il n'y a aucune obligation religieuse d'y déférer : on peut la réviser de fond en comble.

Restent les Hadiths, qui sont, dans les pays musulmans, source de droit. Les hadiths sont les dires et les actes du Prophète. Il en existe un très grand nombre, mais, depuis longtemps on sait qu'il est très difficile de savoir s'ils sont authentiques ou non. De sorte qu'ils ne peuvent pas avoir le même caractère d'obligation que la partie mecquoise du Coran.

Tout cela est déjà très bien et rétablit l'Islam comme une religion de grande hauteur, à l'égal du christianisme, par exemple. Et surtout, cette analyse établit l'Islam comme une religion spiritualiste non violente. Car hors du spiritualisme et hors de la non-violence, une religion est une politique et non une religion.

Mais il y a un autre intérêt au livre de Mohamed Charfi, c'est le rôle qu'il veut voir jouer à l'institution scolaire. L'obscurantisme ne peut prospérer que si l'école ne fonctionne pas. On le voit bien partout où les intégristes prennent le pouvoir, ils ferment les écoles, au moins pour les filles. Et les écoles religieuses prennent bien soin de ne jamais faire appel au libre jugement, elles sont toujours des lieux d'endoctrinement.

On dit d'auteurs comme Mohamed Charfi, qu'ils sont des musulmans modérés. L'expression est malheureuse car elle accorde ainsi un statut acceptable aux musulmans non modérés. Or les islamistes ne sont que des politiques qui profitent de l'absence d'éducation des populations pour détourner la religion à leur bénéfice. Pour M. Charfi, il faut dire, non qu'il est un musulman modéré mais, au contraire, qu'il est un musulman ferme, et suffisamment pour pouvoir résister aux extrémistes qui, eux, ont quitté l'Islam.

Mohamed Charfi, Islam et liberté, le malentendu historique, Albin Michel, 2002, 14, 90 €.