Qu'est-ce qu'une information

Il faut lire l'excellent article de Daniel Bougnoux sur son blog : http://media.blogs.la-croix.com/vicieux-cameleon-intellectuel/2015/12/09/
Nos collègues enseignants sauront en tirer parti.

Voici la réponse amicale que je lui ai faite.

Je regarde cette « lectrice », dans la salle d’attente de mon dentiste. Elle feuillette distraitement son journal. « La Suisse interdit les minarets. » Elle passe. « Eva Longoria est fiancée pour la troisième fois. » Lecture ! Lecture attentive avec commentaires à sa voisine.
C'est vrai, il n’y a pas d’information en soi. C’est un peu comme le fait historique dont on a toujours dit qu’il n’était que ce que fait l’historien en faisant de l’histoire. L'information, elle aussi, est toujours la production d’un « journal ». Elle est ce qui peut intéresser ses lecteurs. Ce n’est donc pas ce dont on parle qui est déterminant, mais ceux à qui l’on parle. Cela suppose une connivence entre l'informateur et l'informé. Aussi l'information peut-elle être n'importe quoi, sans pouvoir jamais n'être rien car, au fond, quoi qu’il se passe, il peut toujours se trouver quelqu’un que l’événement intéresse.
Mais les journalistes sont des gens qui écrivent et comme tels, ils ne sauraient se borner à informer. Écrire, c'est (toujours?) tenter de faire advenir ce qu'on croit qui devrait être. C'est céder à la tentation de changer le monde. Mieux, c'est céder au désir d'être à l'origine de ce changement. La question de la nature de l’information est alors une question bien secondaire, loin derrière celle-ci : que veut celui qui informe ? Qui s’accorde le droit d’informer ?

Et oui, il faut le regretter, mais le vieillissement produit de l’ossification non pas tant des idées que des opinions. J'entendais sur une radio culturelle un éminent intellectuel reconnaître que l'opposition (peu importe laquelle) n'avait peut-être pas tout à fait tort, mais, s’empressait-il d’ajouter, « ce n'est pas ma boutique. Ce ne sera jamais ma boutique ». Ah ! Voilà qui confirme que les opinions politiques relèvent du religieux plus que du sapere aude. On entend les raisons, on apprécie les arguments, on concède les objections, mais on ne changera pas d'avis. Tant pis pour la raison et tant pis pour la liberté. Il faut rester soumis à ses propres blocages car - n’est-ce pas ? - rien n’est pire que l’apostasie. Alors est-ce vraiment une question de vieillesse ou bien le temps ne fait-il rien à l’affaire ? La fidélité dans la sottise est une sottise de plus, disait Jankélévitch.

PS : c’est vrai, Eva Longoria s’est fiancée pour la troisième fois.