Un ministre de l’Éducation nationale contre un de ses recteurs

Un ministre de l’Éducation nationale contre un de ses recteurs

À des parents qui dénoncent le harcèlement que subit leur fils de 15 ans, le proviseur puis le recteur de l’académie de Versailles répondent par… des menaces ! Non-respect des « membres de la communauté éducatives » (sic) et projet d’un dépôt de plainte, tout ça pour « un supposé harcèlement subi par votre enfant ». Et ce recteur de rappeler que les dénonciations calomnieuses sont punies par cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
L’élève a été envoyé dans un autre lycée (le harcelé, pas les harceleurs), mais il se suicide dans sa chambre.
Comment expliquer le comportement du recteur, puis du ministre, puis de la Première ministre ?
Le ministre de l’Éducation nationale (Gabriel Attal) se dit choqué et scandalisé (« une honte ») par le comportement du recteur de Versailles, comportement que la Première ministre elle-même (Élisabeth Borne) trouve « choquant ». Pourtant le recteur reste en place ! Et d’ailleurs quelle mouche a bien pu piquer ce recteur ?
Observons d’abord qu’il s’agit de l’académie de Versailles, académie dont relève l’établissement de Samuel Paty. Rappelons, ici, la défaillance de l’État et donc en premier lieu du recteur de l'époque, dans cet assassinat. Le rectorat n’avait rien fait à l’époque. Il fera quelque chose dorénavant.
Observons maintenant le projet du ministre de la fonction publique (Stanislas Guérini) déclarant que l’État pourra porter plainte en cas d’agression d’un de ses agents dans le cadre d’un « plan de protection » des fonctionnaires afin de ne jamais laisser les agents sans aide face aux menaces et aux violences. Les réclamations des parents du jeune homme qui s’est suicidé pourraient bien passer pour des menaces (un dépôt de plainte!) à l’encontre d’un proviseur et des enseignants. Cette fois, on ne laisse pas passer : on a la déclaration du ministre de la Fonction publique et on a des parents menaçants !
La réaction du recteur est la réaction d’un énarque qui n’a pas compris qu’une académie n’était pas une préfecture. Il semble, selon sa biographie officielle (https://www.ac-versailles.fr/le-recteur-121476), que le recteur de Versailles soit en effet un énarque, venu du cabinet de la Première ministre, même s’il a été, dans une vie antérieure, professeur d’histoire-géographie…
Un préfet a affaire à l’ordre public, le recteur a affaire à des élèves, à des étudiants, à des professeurs et il veille à la transmission du savoir. Il n’y a rien là qui relève de l’ordre d’administratif ordinaire.
Voilà pourquoi il serait temps de renoncer à nommer dans les rectorats et à la tête des grands lycées de hauts fonctionnaires de l’ENA (ou de ce qui la remplace aujourd’hui).
La transmission du savoir ne peut être réglée que par ceux qui produisent ce savoir et ont pour mission de le transmettre.