Sur l'idée d'abolition

Abolir, ce n'est qu'abroger. C'est en fait beaucoup plus. Sinon, on se contenterait d'abroger. On abolit l'esclavage, la peine de mort. Dans langue française le mot abolition possède une charge libératrice et morale que l'abrogation, dispositif simplement technique, ne possède pas. Du moins en France, car dans la langue française du Québec, le mot abolition est d'usage courant.

Ici, le mot abolition renvoie évidemment à l'esclavage. Or, la prostitution est-elle un esclavage ? Psychologiquement, peut-être mais juridiquement, non. Clairement non. Le caractère propre de l'esclavage est qu'on n'en sort pas. Ce n'est pas seulement impossible. C'est interdit. Qui s'en échappe est un fugitif poursuivi non seulement par son maître, mais par la loi dans toute sa rigueur.

Sortir de la prostitution est sans doute difficile. Ce n'est nullement interdit. Utiliser le mot abolition en ce cas est donc un abus de langage qui affaiblit l'avenir de ce mot et donc la capacité à exprimer les idées. Tout ce qui affaiblit la langue affaiblit la pensée.

Quant à cette « abolition » qui n'en est pas une, elle sera probablement votée. On ne résiste pas aux lois morales même lorsqu'on sait qu'elles dont dangereuses pour la république.

J'ai entendu une sociologue (Catherine Deschamps) expliquer sa pensée sur la prostitution : « plutôt que de dire que la prostitution est légale, on devrait dire qu'elle n'est pas interdite » Une telle restriction du sens de la légalité est bien le signe d'un affaiblissement de l'idée de république : ce n'est pas parce que c'est légal que c'est légal ! Il existe une légalité morale supérieure aux lois civiles. Il y des religions qui défendent une telle notion du droit.

Ici, on va pénaliser l'achat d'un bien ou d'un service dont la vente n'est pas interdite. Contradiction juridique qui affaiblit le droit !

Les ligues de vertus remportent toujours leur premier combat, avant de finir par être dénoncées comme ligue de vertu.