Des immunités constitutionnelles

Le sénateur Dassault est-il coupable d'avoir acheté des voix ? C'est à la justice d'en décider.
Faut-il lever son immunité parlementaire ? C'est au Sénat (ou à son bureau) d'en décider.

Mais c'est une actualité récurrente et toujours exprimée dans la même (théâtrale) indignation que de réclamer qu'il soit mis fin à l'immunité parlementaire, celle du sénateur Dassault, par exemple, ou, hier, celle, présidentielle, du président Chirac. Le journalisme fait monter le ton en estimant scandaleux que certaines personnes puissent échapper à la justice protégé qu'ils sont par leur statut.
Dans le cas du sénateur Dassault, le bureau du Sénat a refusé de lever son immunité.
Telle est la constitution et il ne devrait rien y avoir à redire. Mais il se trouve qu'on se scandalise de ce que quelques sénateurs, traîtres donc, n'auraient pas voté selon la consigne de leur parti. Les parlementaires ne sont donc pas libres de leur vote ? C'est le parti, quel qu'il soit, qui décide de ce qu'il faut voter ? Si les parlementaires ne sont pas libres de leurs votes, à quoi servent-ils ? La démocratie serait-elle captée par des instances occultes ?

Il faut rappeler deux choses.

D'abord que les élus doivent être libres. Ils sont les élus de la nation non ceux des partis, même si les partis sont fondés à leur indiquer ce que sont leurs positions.

Ensuite, il faut rappeler que les immunités constitutionnelles, loin d'être un scandale, sont une pièce essentielle de la séparation des pouvoirs et que sans cette séparation, il n'y a pas de république, au sens de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (art. 16).

Ne comptons pas sur les journalistes pour nous rappeler ce principe, ce n'est pas leur mission et leur métier, tel qu'ils sont de plus en plus nombreux à le pratiquer, est de mettre toujours plus d'huile sur le feu.

C'est à l'école qu'il revient d'apprendre au futur citoyen qu'il doit surveiller le fonctionnement de la république et de la démocratie. Le bon citoyen est en effet moins celui qui participe à la vie de la cité que celui qui veille sur les institutions. Car il faut que quelqu'un garde les règles, sans quoi elles se perdront. Ne comptons pas sur les journalistes pour ce travail. Et encore moins sur le personnel politique...