Droits de l’homme ou droits humains ?

Droits de l’homme ou droits humains ?

Ça se ressemble mais ce n’est pas du tout la même chose.
Et pourtant on est passé, subrepticement, de l’un à l’autre au point que les seconds font oublier les premiers.
Il y d’abord une confusion sur le langage. En français, le mot homme est générique et désigne aussi bien le mâle que la femelle. Prétendre que homme désigne l’homme masculin est faux. Homo, en latin, ce n’est pas vir. Homo désigne d’abord l’être doué de raison, par opposition à l’animal qui en est dépourvu et aussi par contraste avec Dieu. Le genre humain n'est ni animal, ni Dieu.
Le dictionnaire de Littré place ce sens en premier :
« Homme : Animal raisonnable qui occupe le premier rang parmi les êtres organisés, et qui se distingue des plus élevés d'entre eux par l'étendue de son intelligence et par la faculté d'avoir une histoire, c'est-à-dire la faculté de développer, d'agrandir sa nature grâce à la communication avec les ancêtres et d'augmenter ses richesses intellectuelles et morales (en ce sens, c'est un terme d'espèce qui comprend les deux sexes). »
Je souligne la dernière remarque : le sens courant concerne les deux sexes, et pas seulement l’homme masculin.
Il est à noter que s’il faut faire, dans le genre humain, une distinction quant aux droits, entre les hommes et les femmes, ne serait-ce que pour rappeler qu’ils ont les mêmes, il faudra le faire aussi entre les adultes et les enfants (c’est fait, il existe une déclaration des droits de l’enfant) auxquels il conviendra, aujourd’hui, d’ajouter les transgenres…
Les partisans des droits humains contre les droits de l’homme considèrent que ceux qui ont élaboré la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) n’avaient nullement l’intention d’accorder ces droits aux femmes et prennent pour exemple le droit de vote. Est-ce vrai ? Non, mais à  vrai dire, peu importe. La DDHC vit d’une vie tout à fait indépendante des arrière-pensées des rédacteurs d’origine. Ils avaient d’ailleurs tout autre chose en tête : en fait, cette déclaration n’accorde pas des droits aux hommes, elle limite des pouvoirs de l’État.
Ce qui est tout autre chose et bien plus fondamental.
La déclaration de 1789 n’établit que quatre droits posés comme imprescriptibles, et quatre seulement  :
« Ces droits sont
— la liberté,
— la propriété,
— la sûreté, et
— la résistance à l'oppression. »
Si ces droits ne sont pas respectés, l’État n’est plus légitime et le citoyen  est délié de toute obligation.
La DDHC est ainsi un contrat tacite (inspiré de Rousseau) entre l’État et le citoyen : si l’État respecte ce contrat, alors il est légitime et le citoyen ne peut se rebeller. S’il ne le respecte pas, alors il est illégitime et on peut dire qu’il n’y a plus d’État. Retour donc à l’état de nature !
Ce point se trouve dans l’article 16 de la DDHC : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. » S’il n’y a pas de constitution, il n’y a pas ou plus d’État. Retour à l’état de nature.
Les droits humains et les droits de l’homme ne sont donc pas du tout la même chose et les premiers sont encore moins un perfectionnement des seconds. Il faut bien comprendre cette distinction, car toute confusion, en ce domaine, ne peut que favoriser les tyrannies. Ce serait le cas si, par générosité ou plutôt par ignorance, on substituait les droits humains aux droits de l’homme…
Les droits humains, cependant, relèvent de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de 1948, à Paris. On a dit que la version française était une traduction de l’anglais human rights. C’est faux. Le texte en français n’est pas une traduction de l’anglais, il est l’un des deux textes officiels de cette déclaration. Aucun des deux n’est la traduction de l’autre.
La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) n’est qu’une liste de valeurs. C’est une liste indicative qui décrit un but à atteindre. Elle n’a, par elle-même, aucune valeur contraignante. Il faudra attendre la constitution de Cours internationales des droits de l’homme pour qu’elle commence à avoir un aspect contraignant… pour les pays qui le veulent bien et ne s’en retirent pas…
En revanche, la DDHC de 1789 est la première pierre dans la construction des États légitimes.
Tous les États démocratiques disposent, d’une manière ou d’une autre, d’une déclaration de ce genre. Voir, par exemple, la Déclaration d’indépendance américaine du 4 juillet 1776.
Conclusion, les droits humains ne doivent surtout pas faire oublier les droits de l’homme et du citoyen.