Réponse personnelle

Après une carrière consacrée à peu près totalement aux questions d'éducation et particulièrement aux questions d'éducation et de pédagogie, je me rends compte que je n'ai guère eu l'occasion de rassembler le tout en une sorte de synthèse.
D'abord parce que j'étais en milieu hostile, comme je le raconte dans l'introduction des mes Conférences pédagogiques.
Hostile d'abord à la philosophie. Le monde des pédagos ne prenait son inspiration que dans les sciences humaines et les statistiques et n'avait pour socle que le bonheur de l'enfant et non son instruction. Hostile ensuite en ceci que durant ces quarante dernières années, les rénovations pédagogiques on toutes conduit à un affaiblissement de l'efficacité scolaire.
Et il ne s'agit pas d'une affaire politique. Tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont « rénové » et, par là, affaibli. Il ne s'agit même pas d'un phénomène français puisqu'il semble que ce soit le cas dans toutes les grandes démocraties, la France ayant simplement résisté plus longtemps que les pays anglo-saxons.

Je voudrais poser la question suivante : n'y a-t-il pas dans les pays riches, une tendance à renoncer à une école qui enseigne au profit d'une école qui rend heureux, ce qui veut dire une école qui n'enseigne que le moins possible ? Tendance dont personne, sans doute, n'est responsable, mais qui fonctionne comme un effet d'aubaine pour tous ceux qui peuvent offrir à leurs enfants une école « à l'ancienne », un secondaire de centre-ville, des classes préparatoires et des Grandes Écoles ?

Tout se passe comme si une catégorie de la population protégeait ses propres enfants de la concurrence populaire en imposant, à la grande masse des élèves, sous l'aspect du bonheur à l'école-lieu-de-vie, une scolarité qui conduit soit à l'échec pur et simple (25 % des effectifs, dit-on) soit à une qualification relativement modeste.

Aussi convient-il de reprendre les conceptions d'une école asphyxiée par les bons sentiments, éteintes par d'incessantes « rénovations » et plutôt que de refondation de l'école, je proposerais plutôt un décapage.

J' envisage de développer deux thèses.
La première est que la pédagogie n'a pas à être inventée, elle est, depuis toujours. Elle a seulement besoin d'être libérée de ce qui l'empêche, d'être décapée.
La seconde est que l'acte d'enseigner est philosophique de part en part puisqu'on y a forcément répondu à la question qu'est-ce que l'homme et à la question qu'est-ce que la culture. Le métier d'enseigner n'est donc en aucune manière technique. Il s'apprend, cependant, mais pas de la manière qu'on croit.

Ces thèses heurtent évidemment le monde pédago auquel il faut faire front puisqu'il détient tous les postes, aussi bien au ministère que dans l'édition. Mais surtout, les développer prend du temps. Et il y faut aussi une tour d'ivoire.
Je dispose maintenant de l'un et de l'autre.