D'abord, comprenons bien que le numérique dépasse largement la question des ordinateurs et tablettes utilisables ou utilisées en classe. Sur un plan général, le numérique est une révolution encore plus importante que l'invention de l'imprimerie et de la Caravelle réunies.
Mais en matière pédagogique comme en matière éducative, je le dis nettement, l'informatique n'est pas d'une grande utilité et si, déjà, on parvenait à ce qu'elle ne soit pas nuisible, ce serait déjà une grande, victoire.
Je ne dis pas cela par incompétence ou par méconnaissance. Je m'amuse quelquefois à entendre de jeunes gens pensant qu'étant d'une autre génération, ils se doivent de m'expliquer ce qu'est un ordinateur... eux qui viennent péniblement de comprendre comment cliquer sur la souris et qui croient que la mémoire-cache est une mémoire cachée aux yeux du grand public. J'ai une formation de logicien (logique formelle, bien sûr!) et je programme en plusieurs langages, dont l'assembleur. J'ai même, autrefois, publié un logiciel ludo-éducatif vendu par feu la CAMIF. Comme « formateur », j'ai fait partie des « équipes » académiques pour le numérique à l'école (sous la conduite de l'inspecteur d'Académie : J.-M. Sivirine, bonjour à toi) et je configure et répare les ordinateurs de mes amis. Je passe sur mes articles de revues (à l'époque il s'agissait de combattre la « fracture numérique »).
Ceux qui parlent du numérique et ont la charge d'aménager l'école pour l’accueillir savent-ils toujours bien de quoi ils parlent ? De l'accès au savoir ? Le numérique ne donne qu'un accès à l'information, ce qui n'est pas du tout la même chose. De plus cet accès est instantané et dispense de ce qui, pourtant est essentiel, l'effort méthodique de la recherche. Et c'est un accès non critique !
Plus généralement, la machine ne peut jamais ni instruire ni éduquer. On devrait se souvenir de l'audio-visuel, qui a été envahissant, onéreux et qui n'a jamais produit le moindre effet. Nouvelle illusion : la tablette, qui ne sera jamais qu'un sous-livre avec un peu d'interactivité et qui n'aura pour effet que de dispenser de savoir lire.
Seule la parole vivante éduque. Seul l'effort de recherche personnel instruit (il y a quelques nuances à apporter, j'en conviens). Wikipédia est une mine d'or pour ceux qui sont déjà instruits et cultivés, mais une catastrophe pour tous les autres.
Essayez-donc de vous perfectionner en thème latin sur une tablette. J'entends dire (ou plutôt hurler) que tout le monde n'a pas besoin de faire du thème latin, ni même du latin. Entendu. Faut-il pour autant décider, dès les classes primaires, que telle catégorie d'élèves n'aura pas besoin d'accéder à tel ou tel enseignement, contrairement aux élèves de telle autre zone d'habitation ? Faillite de l'école, qu'il ne faut donc plus appeler républicaine, mais ségrégative puisqu'elle n'offre pas la même école en tout point du territoire.
Le numérique non seulement n'y fera rien, les élèves déjà défavorisés perdront encore plus leur temps, pendant que dans les « vraies écoles » on apprendra ce qu'il faut apprendre selon les méthodes qui conduisent aux résultats.
À l'école, l'ordinateur ne sert qu'à apprendre... à se servir d'un ordinateur.